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On apprend avec ses émotions

La joie de découvrir !

Les émotions et les apprentissages sont liés

« On leur a appris à savoir mais on ne leur a pas permis de ressentir » dit Alexander Neill. Nos pédagogues avaient bien compris l’importance de la vie affective dans l’apprentissage. Selon Rudolf Steiner, l’étonnement et l’admiration devraient toujours précéder la connaissance. Comme nous avons vu plus tôt, les neurones avec une fonction cognitive sont indissociables de ceux engendrant des émotions. Émotions et fonctions cognitives agissent donc de pair : nous apprenons beaucoup mieux si des émotions positives entrent en jeu dans l’apprentissage. En effet les émotions ont un rôle notamment dans l’attention, la mémorisation. Ce rôle des émotions dans les apprentissages est de plus en plus étudié en neurosciences. 

On retient mieux si l’on ressent des émotions

Steiner disait qu’il ne fallait pas seulement observer une graine d’un point de vue matériel, mais la saisir de façon vivante par le sentiment, l’imagination, l’émotion. Nous retiendrons mieux une notion si nous avons été émus, si nous avons ri … Dans une leçon d’Histoire par exemple, nous retiendrons plus difficilement une liste de faits lus dans un texte que si nous avons entendu (ou lu) des témoignages de personnes ayant vécu les faits et qui nous ont touchés. Ce que l’on vit au fond de soi devient une source d’impulsion pour élaborer des pensées et des concepts. Steiner conseille de ne commencer à réfléchir à une chose qu’après s’être relié à elle par un vécu. 

Noé qui apprend à être un soldat napoléonien ! Il a tellement ri (et nous aussi !), il s’en souviendra longtemps !

On apprend dans un projet collectif enthousiasmant

Pour Ovide Decroly, on apprend également mieux si les apprentissages sont insérés dans une vie affective et sociale. Dans les écoles Decroly et Freinet, les projets réalisés ensemble, les échanges, la vie en collectivité sont très importants. Ce vécu commun autour du savoir génère des sentiments de plaisir, d’enthousiasme, d’émulation, d’entraide qui s’entremêlent avec ce que les enfants découvrent et apprennent. Toutes ces connaissances acquises ensemble par le biais de cette expérience commune s’ancrent de façon durable grâce à toutes ces émotions ressenties. 

Rémi, Lison et Baptiste qui ont le projet commun de fabriquer une pyramide égyptienne en carton.

Certains émotions sont directement liées au fait d’apprendre

Ces émotions, que l’on nomme émotions épistémiques, sont vraiment liées à l’apprentissage en tant que tel et à l’exploration de la nouveauté. Ce sont par exemple l’intérêt, la surprise, l’enthousiasme, l’émerveillement, le plaisir d’apprendre … Ces émotions peuvent donc faciliter l’attention, la mémorisation, le raisonnement …

La joie de découvrir ces champignons et d’apprendre leur nom

Pour ressentir des émotions qui aident à apprendre

  • Jouer sous forme de pièce de théâtre ou de jeu de rôle une leçon d’Histoire par exemple. Outre le fait de réveiller l’intérêt des enfants, ils peuvent ressentir de la tristesse, de la peur, de la joie en se mettant dans la « peau » de personnes ayant vécu des événements historiques. Ces émotions ressenties ancreront d’avantage les faits dans leur mémoire 
  • Inventer des chansons rigolotes sur des choses rébarbatives à apprendre (tables de multiplication, conjugaison …). « 2×3 = 6, la saucisse … » ; « je mangerai un balai, tu mangeras papa … ». La joie prise à inventer ces phrases absurdes, le rire de les chanter sur l’air de sa chanson préférée … permet d’associer cet apprentissage à quelque chose de positif qui sera plus facile à mémoriser. 
  • Comme le conseillait Charlotte Mason, lire des « living books », des « livres vivants », c’est-à-dire, au lieu d’extraits « secs » de manuels scolaires, des récits captivants d’explorateurs, des romans historiques pleins d’anecdotes … afin que le lecteur soit imprégné d’émotions qui marqueront d’avantage sa mémoire. 
  • Rencontrer un expert dans un domaine (un apiculteur, un artisan, un passionné d’avion ou de Léonard de Vinci …) pour qu’il partage sa passion et que l’on soit touché par « contagion émotionnelle » comme on a vu plus haut par cet intérêt. Ce partage peut aussi avoir lieu dans la famille ou dans un groupe, chacun avec un sujet qu’il adore et maitrise bien.
  • Comme le suggérait Steiner, observer la nature en exprimant des sentiments, en inventant des histoires : cette petite plante qui dormait dans la graine, elle sort maintenant de terre. Elle fait peut-être la course avec une autre graine ! Elle doit sentir les rayons du soleil la réchauffer. Peut-être veut-elle grimper jusqu’à un château comme le haricot magique ! On peut aussi mimer cette petite plantule qui sort de la graine et grandit.  
  • Travailler à plusieurs sur une énigme, un problème de math qui résiste un peu, ou mieux encore sur un problème que l’on s’est donné nous-mêmes (Je me demande combien il y a de secondes dans une journée …)  en écrivant sur une grande affiche ses essais, ses recherches. Puis présenter aux autres groupes ses hypothèses, échanger, débattre. Cette ambiance de recherche et de défi, cette confrontation aux opinions des autres peut entraîner un enthousiasme intellectuel et stimuler l’intérêt. 
Apprendre en écoutant un boulanger passionné par son métier et par le Moyen Age

Des émotions qui ne sont pas en lien direct avec les apprentissages

On peut les distinguer des émotions éprouvées pendant l’activité mais pas en lien direct avec l’apprentissage. Celles-ci peuvent découler des relations avec les camarades ou l’enseignant, du sentiment de réussite ou d’échec, d’éléments totalement extérieurs (la faim, une dispute, un problème familial). Ce pourra être des émotions positives (plaisir, joie, soulagement, espoir, fierté, admiration …) ou négatives (anxiété, peur de l’échec, ennui, découragement, frustration, colère, peur, tristesse, honte, jalousie …).  Cette gestion des émotions est donc importante pour que cela ne parasite pas les apprentissages.

Noé s’ennuie …

Gérer ses émotions

On distingue plusieurs niveaux de compétences émotionnelles. Être capable de :  

  • Comprendre ses émotions
  • Reconnaître des émotions
  • Identifier les émotions des autres
  • Ressentir des émotions appropriées à la situation
  • Réguler ses émotions
  • Gérer dans un groupe les émotions d’autrui. 

Apprendre à réguler ses émotions est donc un point essentiel, passant surtout par la verbalisation et la recherche de solutions positives. On sait que plus un élève sait réguler ses émotions, plus ses « performances » sont bonnes.  Par contre, la stratégie qui consiste à vouloir supprimer les expressions émotionnelles non adaptées pourront avoir des conséquences néfastes, telles que l’agressivité ou la passivité. 

Difficile de gérer ses émotions pour Firmin !

Transmettre son enthousiasme : la contagion émotionnelle

Le rôle de l’adulte qui accompagne les apprentissages est également extrêmement important. Un enseignant passionné saura inspirer ses élèves, leur transmettre son enthousiasme. On parle de contagion émotionnelle. Cette contagion peut également s’opérer entre les élèves, un enfant passionné par un sujet pourra transmettre cet intérêt à ses camarades et leur donner envie d’en apprendre d’avantage. Souvent, les enfants fonctionnent aussi à l’affectif en essayant de bien travailler pour faire plaisir à leurs parents, à leur enseignant … Ils guettent leur approbation et leurs encouragements, souhaitant leur faire plaisir pour qu’ils soient fiers d’eux. Il est très important de les faire basculer de ce « Tu es content de moi ? » à un « Je suis content de ce que j’ai fait. »

Pour apprendre à verbaliser ses émotions

Lison mime la colère
  • Réaliser une roue où seront dessinés six visages ou smileys exprimant les émotions de base : peur, joie, tristesse, dégoût, surprise, colère. L’enfant pourra montrer à l’aide d’une flèche l’émotion ressentie. On peut aussi réaliser des cartes et demander à l’enfant de choisi une couleur par émotion (rouge colère, bleu tristesse …) 
  • L’enfant peut aussi exprimer l’intensité d’une émotion en déplaçant un curseur sur une ligne de 1 à 10, ou encore en plaçant son doigt sur un rond parmi plusieurs de diamètres différents : plus le rond est grand, plus l’émotion est forte. 
  • Mimer une émotion que l’enfant devra reconnaître puis changer de rôles
  • Dire le mot bonjour avec différentes émotions : en étant heureux, triste, en colère … L’autre doit essayer de reconnaître l’émotion.
  • Nommer des moments où l’on ressent telle ou telle émotion. Je suis heureuse quand je caresse mon chat. Je suis en colère quand ma construction se casse. ..
  • Lors d’un conflit avec un camarade, faire un jeu de rôle où chacun se mettra dans la peau de l’autre puis faire verbaliser à chacun ce qu’il a ressenti. 
  • En lisant une histoire, échanger avec l’enfant sur l’émotion ressentie par le personnage. 
  • On peut aussi lui raconter une histoire spécifique où un enfant trébuche et fait tomber toutes ses affaires et dont les autres se moquent. L’enfant peut alors imaginer la suite, dire ce qu’il aurait ressenti dans cette situation, comment aurait-il réagi s’il avait vu un autre enfant dans cette situation, qu’auraient pu faire les autres, quelles seraient les conséquences sur l’ambiance du groupe … Cela permet de développer son empathie, de mieux comprendre ses propres émotions et d’essayer d’imaginer les émotions des autres. 
  • Exprimer une émotion ressentie (colère, tristesse …) par l’art : en dessinant, en peignant, en chantant ou en jouant d’un instrument de musique, en dansant …
  • Dire le nom de l’émotion exprimée dans un tableau célèbre (le cri de Munch pour la peur, vieil homme en pleurs de Van Gogh pour la tristesse, une nana de Nikki de Saint Phalle pour la joie, …) et essayer de verbaliser ce qui nous permet de dire cela. On peut faire de même avec des peintures plus abstraites. En se promenant dans un musée ou en feuilletant un livre d’art, l’enfant peut montrer l’oeuvre la plus joyeuse, celle la plus effrayante, etc. On peut également dire l’émotion ressentie en regardant des extraits de film (les colères de de Funès, la tristesse de Charlot et du Kid …), en regardant des BD (les colères du capitaine Haddock, la joie d’un schtroumpf …) ou en écoutant une musique classique ou en dansant sur cette musique (la tristesse de la musique de la liste de Schindler, la joie d’une musique de ragtime …) . On peut faire écouter aux enfants plusieurs fois ces musiques, et mettre ensemble au point des gestes. Quand on entend une musique joyeuse, on sautille, quand la musique est triste, on avance doucement, tête baissée. Pour la colère, on met les mains sur les hanches et on avance de façon décidée et énergique en fronçant les sourcils ! Et pour la peur on avance dans une direction, puis dans l’autre comme si on cherchait une sortie … on peut aussi mettre ses poings serrés sous son menton avec un air inquiet ! Pour retrouver oeuvres d’art, extraits de films, musiques, etc sur les émotions, cliquez ici !
  • On peut inventer une histoire avec des moments joyeux, des moments inquiétants, etc, et même en faire un petit spectacle muet sur fond de musiques évocatrices. Par exemple, un petit chaperon rouge qui cueille des fleurs sur une musique joyeuse … puis le loup qui arrive sur une musique effrayante, etc …
  • Lorsque l’enfant nous montre un texte, un dessin qu’il a fait, au lieu de lui dire : « C’est beau ! », faire quelques remarques factuelles : « Je vois que tu as fait de grandes formes bleues … » ou alors « Ah, je vois que tu as écrit un texte sur les vikings ». L’aider par contre à dire ce que lui en pense, ce qu’il a voulu exprimer, comment il compte ou non continuer … 
La tristesse de Van Gogh

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peur, joie, tristesse par Lison !